TRIBUNE : Charline KNUCHEL Architecte du Capital Humain au Réseau APA.
La crise du Coronavirus aura eu de lourdes conséquences. Parmi celles-ci, on parle bien peu des aides à domicile laissées au bord de la route, sans rémunération, sans compensation financière, parce qu’elles n’étaient pas déclarées par leur employeur. Pendant le confinement, celles qui travaillaient « au noir » ont perdu toutes leurs heures sans pouvoir bénéficier des systèmes de soutien social.
Le travail au noir : une faible conscience des risques
Sur les 250 000 aides à domicile qui accompagnent plus d’un million de personnes âgées ou handicapées quotidiennement en France, une part importante travaille au noir. Le secteur des services à la personne est en effet propice à la tentation du travail dissimulé : garder des enfants, aider à manger ou faire des courses peut apparaître anodin et possède une connotation de bienveillance qui, de prime abord, n’interpelle pas les personnes sur la nécessité d’être déclarées et d’obtenir ainsi une sécurité professionnelle permanente. Nombreux sont eux aussi les particuliers à penser qu’avoir recours au travail au noir présente des avantages, comme le fait de payer moins cher. Or, en plus des risques et des pénalités, faire travailler une professionnelle au noir rend impossible le crédit d’impôt de 50% octroyé par l’Etat pour l’emploi d’un salarié à domicile.
La question du travail des femmes interrogée à travers le travail dissimulé
La profession d’aide à domicile est déjà peu reconnue, et le travail dissimulé participe grandement à la précarité de la profession. Les aides à domicile non déclarées se retrouvent à subir des salaires bas et des temps de travail insuffisants pour en vivre dignement. Une situation professionnelle des plus difficiles, où il n’y a aucun recours si quelque chose se passe mal pendant la prestation. Sans compter que le travail au noir est un facteur d’aliénation de la femme : une femme qui travaille mais qui n’a pas de revenus déclarés ne peut pas quitter son conjoint car elle dépend de lui pour sa protection sociale, elle n’a pas les moyens de prendre un logement. Le regard de ceux qui embauchent une aide à domicile au noir se détourne alors de vraies valeurs éthiques et ces personnes se rendent complices de violences faites aux femmes. N’oublions pas que si elles ne sont pas des « soignantes », les aides à domicile sont en première ligne dans leurs missions au chevet de personnes âgées ou handicapées. Ce sont bien souvent elles qui permettent aux personnes les plus fragiles de notre société de « tenir debout », avec dignité.
La solidarité au cœur de chacune des actions du Réseau APA
Au Réseau APA, par exemple, la protection sociale apportée aux salariés par des déclarations conformes à la loi a permis non seulement à ces femmes (qui représentent 95% de la profession) de payer leurs factures, d’honorer leur loyer, mais aussi et surtout d’avoir un sentiment de sécurité. Si le dispositif de chômage partiel mis en place à partir du 30 mars 2020 a permis aux employeurs de rémunérer les aides à domicile à hauteur de 80%, Matthieu DOMAS, Directeur Général du Réseau APA, a pris la décision de maintenir l’intégralité du salaire des quelques 2 200 aides à domicile de son réseau associatif, mettant un point d’honneur à défendre les valeurs et les convictions qui l’animent : « A une situation anxiogène liée à la présence du virus, mais aussi à l’isolement contraint et à l’inquiétude pour leurs proches et leurs clients, nous ne voulions pas ajouter pour nos collaboratrices des difficultés économiques personnelles ».
A travers des décisions engagées, et considérant avec lucidité que les aides à domicile sont le cœur de l’organisation, Matthieu DOMAS, soutenu par son Président Denis THOMAS, a contribué à fournir une aide et une assistance émotionnelle, autant que matérielle et financière à ces professionnelles. Protéger les salariés autant que les clients, et mettre tout en œuvre pour traduire concrètement les valeurs portées depuis plus de 73 ans a été une des priorités du Réseau APA pendant la crise.
Lutter contre la précarisation, notre responsabilité à tous
A l’éclairage de ces éléments, il est indéniable que les aides à domicile qui travaillent au noir sont placées dans une situation incontrôlable et inacceptable de danger et de précarité. Sans évaluation ou formation, sans ouverture des droits sociaux, elles perdent en sécurité. Le travail au noir, s’il nuit à l’économie de la France en constituant un refus de participer à la vie nationale par les contributions sociales et par l’impôt, soulève également des enjeux d’inégalité femmes/hommes.
La crise du COVID a rebattu les cartes : la reconnaissance des aides à domicile doit être envisagée comme une question collective, déterminée par des valeurs humaines de respect et de bienveillance. Nous pouvons tous contribuer à construire la société que nous voulons, et il est temps d’affirmer que les aides à domiciles n’ont certainement pas moins besoin d’humanité que les clients qu’elles accompagnent.