Si la recherche médicale avance et est porteuse d’espoir, on ne guérit pas encore de la maladie d’Alzheimer. Il faut apprendre à vivre avec. Un chemin semé d’embûches, pour le malade comme pour l’aidant familial. En 1980, le Réseau APA ouvrait son 1er accueil de jour à Mulhouse. Et depuis 40 ans, les professionnels du Réseau APA innovent et multiplient les solutions d’accompagnement et les partenariats, pour rendre les difficultés de ce quotidien plus acceptables. Tour d’horizon de ces aides parallèles qui apportent des bouffées d’oxygène indispensables.
« On croit qu’elle fait exprès, mais c’est la maladie qui a pris le dessus. J’ai appris à comprendre ce qu’il se passait, à mieux comprendre la maladie » témoigne Jean-Jacques SARTOR qui fait appel à plusieurs services du Réseau APA pour rester le plus serein possible dans l’accompagnement de sa femme, atteinte de la maladie d’Alzheimer. En cette semaine de sensibilisation à cette maladie qui touche 900 000 personnes en France, ou 2 à 3 millions si l’on compte les aidants, le Réseau APA souhaite faire passer ce message : on ne peut pas rester seul face à cette maladie, de nombreuses solutions peuvent rendre le quotidien moins difficile.
Stimuler pour freiner la progression de la maladie.
« Chaque histoire étant différente, l’important est de pouvoir adapter l’aide à la situation et au stade de la maladie, et de réussir non seulement à stimuler les capacités motrices, sensorielles et de mémoire, mais aussi de les valoriser afin de rester dans une démarche positive. » explique Olivier DORLA, coordinateur Escapassions. Concrètement, que ce soit à domicile ou en établissement, ces activités de stimulations et de valorisation s’articulent autour de trois thématiques :
- Préserver les acquis : cuisine et jardinage, jeux de mémoire, lecture du journal, gym douce, balades, même petits travaux ménagers ou de bricolage… L’important est de reproduire des petites séquences « comme avant ».
- Développer l’estime de soi et l’expression individuelle : manucure, chant et musique, ateliers manuels, peinture… des activités de contacts et de libre création pour pouvoir s’exprimer de différentes manières, mêmes lorsque les mots font défaut.
- Maintenir une vie sociale : groupes de conversation, sorties et spectacles, sport adapté, visites culturelles, repas et collations, projections de diapos et vidéos, rencontres avec d’autres groupes… afin de nourrir l’estime de soi, favoriser l’acceptation de la maladie… et garder ouvert le champ des possibles !
Apporter du répit à l’aidant familial et lui faire comprendre qu’il n’est pas tout seul.
L’aidant aussi doit pouvoir prendre soin de lui-même pour rester en capacité d’aider ! Lui qui alterne entre improvisation et organisation, ses nerfs et sa propre santé sont soumis à rudes épreuves. Mais l’aidant serait-il moins aidant parce qu’il met en place un relais professionnel pour son conjoint ou son parent ? Bien sûr que non. Le « contrat » moral d’aidant ne peut pas fonctionner à sens unique. Un chiffre dramatique qui ne doit pas faire oublier cela : 30% des aidants décèdent avant le proche malade. Les moments de répit qu’offre l’aide professionnelle servent à cela : se ressourcer, se rappeler que l’aidant a aussi une vie. L’aidant trouvera écoute et conseils auprès des professionnels présentés ici. Se confier, partager ses doutes et ses craintes, rencontrer d’autres aidants dans la même situation, voire même suivre des ateliers thématiques, permettent de garder le moral et la force de s’accrocher.
Les clubs Escapassions
Lorsque les symptômes sont encore peu développés, Escapassions propose aux personnes atteintes de troubles cognitifs, une démarche de prévention et d’accompagnement. Concrètement, c’est en pratiquant une activité qu’ils affectionnent (sorties culturelles, pêche, jardinage, informatique, marche, jeux de société….), que les participants vont favoriser au maximum l’interaction sociale et entretenir les capacités motrices, sensorielles et de mémoire. « On se sent plein d’énergie, rajeunit de ses sorties. Et puis on oublie des choses auxquelles il ne fait pas trop penser. » explique Christiane qui participe régulièrement aux sorties.
Les personnes en début de pathologie Alzheimer sont en effet confrontées à des difficultés (troubles de la mémoire, de la concentration, de la compréhension,…) qui les empêchent de pratiquer certaines activités alors qu’elles en ont encore la capacité physique. Lancée à l’automne 2019, la marche nordique adaptée par Escapassions rencontre le succès. « On rassure aussi les familles via un service tel du all-inclusive ! » explique Olivier DORLA, coordinateur Escapassions. Physiquement très accessible, l’activité se déroule en pleine nature.
VIDEO MARCHE NORDIQUE ESCAPASSIONS
L’Equipe Spécialisée Alzheimer
Service où ni le malade, ni l’aidant, n’ont à se déplacer, l’intervention de l’ESA du Réseau APA se déclenche principalement suite à consultation-mémoire en hôpital et par les médecins après diagnostic de la maladie d’Alzheimer.
Une première évaluation à domicile par l’ESA détermine le rythme et la nature des interventions, sur 3 à 4 mois d’accompagnement. « J’interviens à domicile, dans les repères habituels du malade, avec des outils et exercices pour stimuler les capacités, maintenir l’autonomie et ainsi améliorer les conditions de vie à domicile. J’observe tout ce qui marche encore pour le valoriser. Et on travaille sur la mémoire immédiate » explique Carmen CARBONE, assistante de soins en gérontologie.
Elles vont par exemple travailler à entretenir les capacités à se servir des objets du quotidien (téléphone, télévision, cuisine, électroménager…) et à se repérer dans le temps (jour, heure, déplacements au domicile ou à l’extérieur…), afin de préserver l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne. « On parle beaucoup avec Carmen de la maladie de mon mari. Ce n’est que le début, mais je suis sereine, je me sens entourée » témoigne Irène.
L’accueil de jour et sa vie de groupe
Le Réseau APA gère 10 accueils de jour dans le Haut-Rhin. Ces structures accueillent chacune, pour la journée, 12 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou troubles apparentés, qui résident à domicile. Elles peuvent y revenir jusqu’à plusieurs fois par semaine. « On a constitué des groupes qui fonctionnent bien ensemble pour pouvoir travailler efficacement. Si beaucoup d’activités sont ludiques, parce que c’est pas le plaisir qu’on travaille le mieux, on n’est surtout pas sur de l’occupationnel : c’est un concept thérapeutique. » explique Albane BRUNNER, adjointe à la direction des accueils de jour.
Véhiculée par l’aidant ou cherchée à domicile en mini-bus, la personne accueillie vit une journée complète alternant moments d’échanges en groupe, repas et collations, temps de repos, activités individuelles. Coordonnés par une infirmière et animés par des animateurs diplômés et bénévoles spécialisés, la parenthèse que constitue l’accueil de jour permet de rythmer la semaine, d’apporter une stimulation différente au malade, et toute une journée de répit pour l’aidant familial.
Un service dédié à l’aide aux aidants
« Les aidants estiment qu’ils n’ont pas le droit de se plaindre, ni de prendre soins d’eux, l’unique priorité étant l’état de santé de leur proche… alors qu’ils peuvent compromettre à leur insu, la qualité de l’aide qu’ils apportent, et leur capacité à aider sur la durée », explique Aline HENNINGER, infirmière coordinatrice de Rivage.
Ce service accessible gratuitement est une plateforme d’écoute, de conseils, d’orientation, à destination des personnes qui accompagnent un proche atteint de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés, de la maladie de Parkinson ou de la Sclérose en Plaques (quel que soit son âge), ou une personne de plus de 60 ans en perte d’autonomie. C’est une expérience particulière qui demande du temps, de l’énergie et qui peut confronter l’aidant à de nombreuses Interrogations. RIVAGE travaille avec de nombreux partenaires et propose ainsi un soutien personnalisé en apportant des solutions adaptées à chaque besoin.
Rivage propose également des sorties de groupes, des conférences et ateliers pour mieux comprendre la maladie, apprendre à prendre du recul, pour rester en capacité d’aider. « On se rend compte qu’on n’est pas seul, on voit des gens qui ont les mêmes soucis et on peut en parler en étant compris. Et surtout, avoir un peu de détente, même si ça passe vite ! » témoigne encore Jean-Jacques SARTOR. « Tant qu’on n’est pas dans l’engrenage, on ne connait pas les différents services qui existent. Il faut pourtant vraiment éviter l’épuisement. » complète l’aidant.
Quand le domicile est provisoirement compromis
L’hébergement temporaire, qui peut être sollicité en urgence ou de manière prévue, permet au malade d’être hébergé quelques jours ou quelques semaines dans un établissement adapté, à l’EHPAD de la Maison de l’Arc à Mulhouse. Il peut constituer une solution de secours lorsque le maintien à domicile du malade est momentanément compromis. Un sinistre dans le logement, une hospitalisation de l’aidant… ou plus simplement le besoin de répit de l’aidant, sont autant de raisons valables pour utiliser cette solution. Le malade est alors pris en charge totalement, 24h/24 et 7j/7, avec des soins, des animations et activités adaptés à sa pathologie.
Un nouveau lieu de vie adapté
Quand arrive le moment où la maladie ne peut plus être gérée par l’aidant, au domicile, le choix d’un nouveau lieu de vie, adapté, se pose. La sécurité du malade, comme la santé de l’aidant lui-même, sont en jeu. L’unité de Vie Protégée (UVP) de l’EHPAD de la Maison de l’Arc, en plein cœur de Mulhouse, ressemble à un cocon. Les couleurs sont lumineuses, un petit jardin se dévoile sur la terrasse, l’ambiance y est chaleureuse, et seules 11 chambres ont été prévues pour cet étage.
Une équipe médicale accompagne et veille 24h/24 ces résidents fragilisés. Ce sont les aidants et la famille qui viennent, lors de leurs visites, apporter une stimulation complémentaire. Pour freiner la maladie, l’objectif est ici d’offrir un cadre de vie apaisé, de contenir les angoisses et d’assurer la sécurité des patients. Les patients sont moins anxieux, et les aidants retrouvent une vie.
Chiffres clés
900 000 malades en France
2,1 M de malades estimés en 2040 (chez les + de 65 ans)
225 000 personnes diagnostiquées /an, soit 1 cas toutes les 3 minutes
2 à 3 M de personnes concernées, en comptant les aidants familiaux.
(source : Fondation pour la Recherche Médicale)